Ma mère, plus d’une fois, m’a raconté une petite scène de mon enfance. Elle et mon père entrèrent un jour, par surprise, dans la pièce où je chantonnais. Ils me virent manier une règle comme une baguette de chef d’orchestre. Ils me demandèrent si je m’imaginais avoir un orchestre devant moi. « Oui répondis-je. – Quel orchestre ? » insista mon père. Je leur montrai une petite mappemonde sur la table. « L’orchestre des latitudes et des longitudes » répliquai-je fièrement. Sans doute avais-je emprunté ces mots à Jules Verne, sans trop savoir ce qu’ils signifiaient. Mon père, qui avait été armateur, se mit à rire. Il voulut plus d’explications que je ne puis lui donner, car rien n’était plus simple : je conduisais l’orchestre des diverses parties du monde, ce qui ma paraissait naturel, puisque j’appartenais au monde. Il m’en est resté quelque chose.
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