Les Peuples Nus

Au début des années 50, Max-Pol Fouchet se rend à plusieurs reprises en Afrique noire et à Madagascar.

De ces séjours naît le livre Les Peuples Nus paru en 1953 aux éditions Buchet-Chastel ; réédité en 1981, avec une préface d’Yves Coppens, dont voici quelques extraits :

Par la peau, par les yeux, par tous les sens réunis ou séparés, par le coeur et par le corps, ce livre fait plonger irrémédiablement au fond de l’âme d’un continent ; autant que de le lire, de tout son être il faut le respirer.

Mais qu’on ne se méprenne pas, cette oeuvre impressionniste, de couleur et de sons, de relief et de mouvement, contient aussi interviews et observations qui ont valeur de documents … bien au-delà de l’Afrique, si gaie, si digne, si généreuse, Max-Pol Fouchet, plein d’amour et d’honnêteté, chante l’Homme, les Hommes, la Liberté.

Nous avons souhaité accompagner le texte intégral du livre par un avertissement au lecteur.
Vous aurez, en lisant la suite, la possiblité de télécharger les versions intégrales des deux documents.

AVERTISSEMENT
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Les Peuples Nus est un texte sur l’Afrique, sur l’Afrique noire. Elle en est le sujet central, le centre de gravité, la vraie, la lancinante question. Les îles, Max- Pol Fouchet y fait relâche, il y respire mieux, sa langue s’y délie ; mais c’est l’Afrique qu’il affronte, sa surface opaque et lisse, ce miroir sans tain derrière lequel on l’observe sans jamais se révéler, et qui ne lui renvoie que le masque grimaçant de ses contradictions, de son impuissance, de ses élans les plus sincères même. « Le fardeau de l’Homme Blanc » est bien lourd pour qui a du cœur, une âme, et de l’amour pour ses frères humains. Il y faut bien du courage et de l’humilité. Car cette Afrique a l’âme par trop chevillée au corps et au sexe, et son énergie, sa sève, n’y coulent librement que pour alimenter des rivières où nul blanc, jamais, ne se rafraîchira. Chez ce dernier, quoi d’étonnant, l’attente déçue tourne vite au dépit, puis au mépris ; le fantasme inassouvi engendre la répulsion, l’enchaînement épuisant des idées abandonne le terrain à la galerie des clichés.
Max-Pol Fouchet, mains ouvertes, résiste courageusement et avec succès le plus souvent. Dans cette lutte, sa sincérité, sa sensibilité, une certaine forme de naïveté même, lui sont ses meilleures armes. Il observe l’Afrique, il parle de l’Afrique, les autres lui en parlent, et parfois... parfois l’Afrique lui parle, et c’est alors tout autre chose, comme une île, enfin.
Max-Pol Fouchet parle de l’Afrique, et des Africains. La démarche n’est pas celle d’un ethnographe ; il y manque la méthode qui caractérise le travail de l’ethnologue et par laquelle il constitue son objet : cet aller-retour entre singularité et universaux, l’alliance de la mise à distance et de l’immersion lente...
Son regard n’est pas non plus celui d’un peintre, ce regard qui transmute la réalité en une image toute subjective, un objet inaliénable, tout entier refermé sur lui-même.
Ce serait plutôt, pour ce qui touche au regard, celui du photographe, mais nous y reviendrons, car celui-là accompagne un journaliste (il y a en effet du journaliste dans cette chronique), et les deux ne disent pas, pour le moins, les mêmes choses.
C’est d’abord et le plus souvent, (mais pas pour l’essentiel me semble-t-il) le texte d’un intellectuel, d’un intellectuel de son temps, trop couvert pour la saison et trop ouvert, trop confiant pour se protéger. Homme de culture, de sa culture, habité peut-être encore par la figure de l’écrivain voyageur, mais déjà happé par les clichés d’un modernisme qui s’écorche aux aspérités que lui oppose l’indolence des réalités, et qui s’en irrite. Et si parfois les mots dérapent, si les clichés choquent, c’est que le contexte, les conditions du voyage, la curiosité même transforment insidieusement l’écrivain en homme blanc, le moulent, (on dirait aujourd’hui le « formatent »), et lui interdisent toute autre posture. Max-Pol est blanc, blanc parmi les blancs, il le sait et, parfois, il enrage.
Max-Pol Fouchet dit une Afrique en train de se faire (mais avec qui ? avec quoi ?) et de se défaire (de s’oublier, de se figer dans la caricature), et il la montre, cette Afrique en gésine en même temps qu’agonisante, avec le sentiment inconfortable d’être simultanément du « bon » et du « mauvais » côté de la barrière.
Notre voyageur s’oppresse souvent lui-même à vouloir tout voir, tout enregistrer et sur trop de registres différents ; à vouloir aussi tout restituer, idées et discours, images et sensations. Mais, dans cette restitution, la fidélité des discours porte moins, il me semble, que celle des images. C’est par elles qu’ont été imprimées les plus belles pages. Revoilà donc la photographie, une photographie légendée, avec la poésie pour légende. Ces pages là sont des moments de vérité, car les visions qui les inspirent libèrent enfin les mots qui reflètent sans altérer, sans disjoindre ; elles imposent à la conscience du voyageur l’énigme d’une beauté à laquelle aucun désir d’explication ne fait plus obstacle. L’intellectuel est souvent trop habillé, de blanc, le poète n’est pas noir certes, mais il est nu. Il ne sait pas, ne veut plus savoir, s’abandonne à cette soudaine et intemporelle harmonie où toute contradiction se dénoue, et dans laquelle l’Afrique insondable, soudain tendre, retrouve ses enfants.
Qu’ils puissent être aimés sans être absolument obligés d’en être dignes, voilà ce que l’humaniste doit au regard du poète. On comprendra mieux à cet égard la nostalgie qui accompagne le retour vers l’Europe : Nous, européens, ne savons pas aimer sans comprendre.

Christian BAQUE
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