
L’appel
du voyage
Je sacrifierai l’imprimé à l’impression.
Quelques années après la mort de son père, Max-Pol décide de rompre avec le milieu familial et de partager la vie des prolétaires : « je porterai le bleu » disait-il. Il fut d’abord peintre en bâtiment avant de s’embarquer comme mousse sur un cargo reliant Alger au Havre : « le Monique-Schiaffino ». Il a alors dix-neuf ans. Ce premier départ n’est pas une fuite, mais un véritable retour aux sources, à ses sources dans la solitude et l’intimité de la mer.
Max-Pol
sur le cargo « Monique-Schiaffino »
L’arrêt et le départ
La nécessité, par moments impérieuse à un point inimaginable, de sentir que le sol n’est pas stable, qu’il bouge et que je bouge avec lui, accordé ou désaccordé, qu’importe, cette nécessité est violente comme un désir sexuel. Ce rejet du statique… Il contredit une autre part de moi-même, celle qui aime avec passion la peinture, puisque celle-ci est l’opposé du mouvement, qui déplace des lignes, comme disait Baudelaire… En revanche, la musique, non moins aimée, répond à cette exigence de mouvement que j’éprouve en moi. Elle s’inscrit dans le temps et dans l’espace, même chez Bach. Il n’y aurait pas de fugue sans construction thématique progressant vers la conclusion. La symphonie marche vers la coda. Au fond, il me faut l’arrêt et le départ, l’ancre jetée et l’ancre levée, le port et la pleine mer. Je ne peux vivre sans ces deux postulations, même si partir a de loin ma préférence. Partir, d’ailleurs, est aussi bien regretter d’être parti. Toute nostalgie est bonne, puisqu’elle éveille d’autres nostalgies, parmi lesquelles se trouve notre nostalgie fondamentale d’éternité. Qu’on me laisse partir et regretter d’être parti ! Cela ne fait qu’un homme.