L’appel
de l’art
Au moment de songer à mon musée imaginaire, l’inquiétude me vient de commettre un semblable délit. Non, je n’ai plus de passion pour de laides images, elles n’entreront pas dans mon anthologie, qu’on se rassure – mais ne voit-on pas des assemblages de papiers et d’objets de ce genre, mêlés à des chefs-d’œuvre romantiques et gothiques, dans l’un des plus étranges musées d’Europe, le merveilleux Museo Marès de Barcelone ? Je crains de souhaiter la réunion d’œuvres incontestables à d’autres que l’on dira secondaires ou discutables…
Que faire ? On admire ce que l’on veut, on aime ce que l’on peut. On aime surtout ce avec quoi l’on peut vivre.
Si souvent je me retourne vers certaines « pièces » (le vilain mot) de ma collection, c’est de moins en moins pour leur qualité, de plus en plus pour leur familiarité.
Oui, je le sais dépourvues de qualité, elles ne se seraient pas installées entre mes murs, mais depuis qu’elles y sont, jour après jour, mon regard ne se pose plus sur elles comme au début, notre liaison désormais est trop forte.
Un ami m’assure-t-il de leur beauté, me voici surpris, presque fâché, comme s’il me parlait d’une femme en ne s’attachant qu’à sa parure.
Contre cette métamorphose, on peut se prémunir, procéder, par exemple, à la façon des Japonais qui n’exposent pas continuellement leurs images, ne les montrant qu’à bon escient, prolongeant ainsi leur nouveauté, leur fraîcheur. Pour moi, j’aime vieillir avec ce que j’aime : ainsi ai-je l’impression de ne pas vieillir.
Et tout recommence à la moindre absence ! Une peinture de Bissière, que tous les jours je voyais, m’est empruntée pour la Biennale de Venise.
M’en voici dépourvu momentanément. Je me languis d’elle comme d’un proche, parti pour un long voyage. Ce qu’on en dit est de peu de poids, comparé au poids de l’ennui.
J’attends les retrouvailles. De même si l’on vante la rareté, l’intérêt de ce masque mexicain de Téotihuacan II, je ne suis touché qu’en surface, car je sais trop la complexité qu’il m’advint de le consulter, l’interroger, (en gras) l’écouter. On peut sourire, c’est simplement. Mon musée imaginaire, je le composerais d’œuvres qui répondent à ce que j’aime – ou plutôt : à ce que je souhaiterais aimer d’un amour sans concession.
Le musée imaginaire de Max-Pol Fouchet
La souffrance du retour