Le 20 juin 40 ; sur une plage non loin d’Alger, à Sidi Ferruch, où devaient débarquer deux ans plus tard les troupes alliées, j’écrivis d’un trait l’éditorial du nouveau numéro [de FONTAINE]. La voix de Londres n’était pas parvenue en Algérie. Le texte me paraissait dicté par des témoins invisibles. Il parut sous le titre : NOUS NE SOMMES PAS VAINCUS.
Juin 40. La défaite. L’exode sur les routes. La France envahie. L’armistice prétendument « dans l’honneur et la dignité ». Le régime de Vichy. Le vieux conservatisme au pouvoir. Un peuple stupéfié, dupé. La croix gammée sur Paris. Les intellectuels, les écrivains, les artistes dénoncés comme responsables de la débâcle.
Nous ne sommes pas vaincus
Extrait du texte écrit le 20 juin 40 à Alger et qui paraît dans le numéro 10 de FONTAINE
« La France, vaincue, n’a d’yeux que pour sa défaite, et cette défaite, fortifiée par un certain goût du fatal, en vient à tout oblitérer et, particulièrement à voiler, enténébrer une victoire intellectuelle qui non seulement demeure, mais encore se poursuit (…).
L’histoire de France ne se limite pas à l’été de 1940. Depuis le début de ce siècle, aucun pays plus que le nôtre n’a su donner autant de richesses. L’intelligence française, accrue de talents étrangers si généreusement accueillis qu’ils contribuent à la gloire de ses fils propres, sut rayonner à un point tel que l’Histoire, sans nul doute, retiendra ce temps comme celui de la suprématie intellectuelle de notre patrie.
Conquérir des terres plaît à certains. Mais les terres sont de sable, où s’effacent les pas. Les lus heureux des conquérants que sont-ils en définitive, sinon des anecdotes ? Ce qui demeure plus qu’Alexandre, César ou Napoléon même, c’est Platon, c’est Virgile, c’est Racine. Notre sachons-le, sera celle de Bergson, de Valéry, de Claudel, de Gide, de nombreux autres. La permanence, la voilà. Et le reste est histoire.
La victoire française est de pouvoir répondre par quelques noms. Sommes-nous assez conscients de nos poètes ? Savons-nous assez qu’à la suite d’Apollinaire et de Péguy, autour de Claudel, de Supervielle, de Jouve, d’Eluard, de Cocteau, de Max Jacob, de Valéry, de Montherlant, pour ne citer que ceux-là, se déploie, animée de la plus haute conscience, une admirable poésie ? Que chacun dans son ordre, recense les siens. Les noms lui viendront aux lèvres si nombreux qu’il reprendra courage et foi. Car nous sommes là dix contre un ».
Il y a ceux qui acceptent et ceux qui n’acceptent pas. Ces derniers, il faut les rejoindre, leur faire savoir qu’ils ne sont pas isolés.
La souffrance du retour
L’appel de la Résistance, un appel de toujours