ce qui en nous, est
C’est beauD’avoir tous ces motsQui bougent dans la tête.Supervielle
Nous sommes comme ces bateaux qui, après de nombreux voyages, sont obligés d’entrer dans les bassins de radoub parce que leur coque est couverte de patelles, d’algues, de coquilles diverses, qui freinent leur marche. On les récure comme des os. On les décape ; Ils peuvent reprendre la mer…L’exercice poétique, dans toute sa rigueur, est semblable à la mise en radoub. Il faut se dépouiller de l’adventice, du discours, du non-essentiel.
Fontaines de mes Jours –Stock –1979 –page 81
Un être se dénude, s’avoue
A cette fin, il choisit la poésie ? Quel autre choix, qui fût meilleur ? Elle est le moyen le plus sûr, au moins quand elle se refuse aux complaisances, de couper les branches sèches, d’émonder les inutiles, de faire place nette. La poésie parvient à l’os, à l’élément premier sur quoi tout se fonde, ou même, si l’on préfère, au coeur, au battement vital, à la pulsion du destin.
Elle veut revêtir, certes, d’autres formes. Celle dont nous parlons ne se contente pas d’être voyageuse au sein des paysages choisis, parmi masques et bergamasques. Les masques, elle les ôte, les arrache. Il lui faut la vérité, aussi âpre soit-elle. Elle cherche la baie cachée dans l’épaisseur, plus que le fruit offert, plus que la fleur sur le lit découvert du pré. Il s’agit, pour elle de savoir. Savoir qui nous sommes, et ce qui en nous, est.
Et moi je voudrais d’abordêtre lavé, nettoyé, rincén’avoir plus que la nettetéjanséniste des os seuls,donner ma chair aux vautoursmarquer dans les désertsla route des caravanes,indiquer par mon squelette.Et moi je voudrais aussime débarrasser à jamais,me laver, me nettoyer, me rincer,quitter mes affiches politiques,cesser de promettre en mentanten vert, bleu, rouge ou blanc,que ma pierre soit nue sous le ciel,dût-elle nue, se désagréger.Et moi je voudrais enfinEtre plus propre et plus nuet vivant, que je sois lavécomme les morts sous la terre.
Et moi je voudrais d’abord, Max-Pol Fouchet