L’appel
de la poésie
prémonition
Jeanne Ghirardi, devenue son épouse le 13 juillet 1940, disparaît le 6 janvier 1942 dans le naufrage du paquebot « Lamoricière » à destination de la France, où elle allait préparer l’agrégation de lettres. La poésie détenait le message de la mort de Jeanne. Les mêmes thèmes revenaient sans cesse sous la plume de Max-Pol sans qu’il puisse rien y faire : la mer, l’amour, la mort, le naufrage... Il était « agi »-la poésie était prémonition.
J’accompagnai Jeanne jusqu’à la passerelle. Un porteur nous suivait, tenant sur sa tête la lourde valise, celle qui contenait des livres pour le concours. Nous adieux furent brefs, Jeanne détestait ceux qui n’en finissent pas, moi aussi. Elle entra, sans se retourner, dans le ventre du bateau. Je restai sur le quai, avec l’espoir qu’elle monterait sur le pont, pour m’adresser un dernier signe d’adieu. Il n’en fut rien. Une femme s’y trouvait, qui lui ressemblait, secouant un mouchoir à l’adresse d’un autre homme, et je m’imaginais que ses adieux m’étaient destinés (…). Une poupe noire où se détachaient, sur trois lignes, son nom, son port d’attache :
Gouverneur Général
LAMORICIERE
MARSEILLE
Alors crois-moi, il se produisit en moi comme un réveil. Je sortis de ma léthargie. Ce fut pour entendre plusieurs fois en moi le mot « Lamoricière ». Il me semblait que les syllabes se séparaient les unes des autres. Le mot devint une phrase, un jeu de mots. « La mort ici erre, disait-elle, la mort ici erre ». Je courus jusqu’à l’extrémité du quai, avec le désir fou d’arrêter le bateau…
Octobre 1941
La souffrance du retour
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